Слайд 1Les circonstances de l’action
Elise Marrou – Sorbonne Université.
CUF (Moscou), le
6/12/19
Слайд 2I. Kant, critique de la raison pratique
Supposez que quelqu’un
allègue, à propos de son inclination à la luxure, qu’il
lui est absolument impossible d’y résister quand l’objet aimé et l’occasion se présentent à lui : si, devant la maison où cette occasion lui est offerte, un gibet se trouvait dressé pour l’y pendre aussitôt qu’il aurait joui de son plaisir, ne maîtriserait-il pas alors son inclination ? On devinera immédiatement ce qu’il répondrait.
Mais demandez-lui si, dans le cas où son prince prétendrait le forcer, sous la menace de la même peine de mort immédiate, à porter un faux témoignage contre un homme intègre qu’il voudrait supprimer sous de fallacieux prétextes, il tiendrait alors pour possible, quelque grand que puisse être son amour pour la vie, de le vaincre quand même. Il n’osera peut-être pas assurer qu’il le ferait ou non ; mais que cela lui soit possible, il lui faut le concéder sans hésitation. Il juge donc qu’il peut faire quelque chose parce qu’il a pleinement conscience qu’il le doit, et il reconnaît en lui la liberté qui sinon, sans la loi morale, lui serait restée inconnue.
Слайд 3
Kant commence par présenter une hiérarchie entre deux instincts
(l. 1-6) en mettant en concurrence le plaisir sexuel et
l’instinct de survie dans un exemple imaginaire (« supposons... »). Le premier cas met en scène la liberté de succomber au plaisir, mais avec la certitude au retour d’être pendu. Il est certain selon Kant que cet homme choisirait de s’abstenir, le principe de conservation l’emporterait ici sur le principe de plaisir. Deux mobiles pathologiques se trouvent confrontés : soit la survie, soit le plaisir. Nous n’avons affaire qu’à un calcul entre deux désirs qui peuvent entrer en contradiction, le désir de jouir et le désir de survie. La morale ne se situe pas là : être moral, ce n’est pas départager des mobiles sensibles dont l’intensité est plus ou moins grande selon les circonstances. Celui qui est animé par le désir de luxure ne veut pas mourir. Ce n’est pas là que se livre la liberté.
Слайд 4Le second cas
Ensuite, Kant montre que la conscience morale n’obéit
pas à cette logique des instincts, là encore au moyen
d’un exemple imaginaire (l. 6-12). Le choix est ici entre la satisfaction d’un désir sensible (notre survie) et refuser de porter un faux témoignage même si nous devons en mourir.
Il ne s’agit pas d’opposer deux désirs sensibles ou pathologiques, l’opposition est celle ici qui sépare une loi (ne pas porter de faux témoignage) de la volonté de survivre. Comme nous pouvons aller jusqu’au mourir, jusqu’à prendre le risque de la mort, plutôt que produire une action qui contredirait la morale de cela nous savons que nous sommes libres : tu dois donc tu peux.
Cad dès lors que je dois ne pas porter un faux témoignage, je le peux jusqu’au risque de ma mort. Il n’est pas question d’un calcul des risques, ni des plaisirs ou déplaisirs, ici l’opposition est celle qui sépare un calcul et une loi inconditionnée, un impératif catégorique (qui n’admet pas d’exception). Kant souligne par là la différence qualitative entre un calcul en termes de coûts et bénéfices et l’impératif. Ce saut qualitatif est celui qui sépare la nature de la liberté.
Слайд 5Enjeux de la confrontation
En mettant côte à côte deux situations
qui ne sont pas comparables, Kant veut que le lecteur
réfléchisse à cette différence. Si la conscience morale est capable de s’imposer contre le plus fort des instincts, cela veut dire que nous sommes libres. Notre conduite n’est pas nécessairement déterminée par le désir le plus fort : nous pouvons aussi choisir en fonction de ce que nous « jugeons » bien ou mal. La raison est capable de déterminer par elle seule la volonté (elle est « pratique par elle-même », dit Kant). C’est donc la loi morale qui nous révèle que la liberté est plus forte que la nature. Dans l’expérience du devoir, nous prenons conscience que la liberté est capable de briser la logique habituelle de l’instinct (c’est pourquoi sans elle, la liberté « nous serait restée inconnue »).
Слайд 6Conclusion de l’extrait
Enfin, dans la dernière phrase de cet extrait
(l. 12-15), Kant en conclut que la conscience morale nous
permet de reconnaître la présence de la liberté en nous.
Nous prenons conscience de l’existence de la liberté. La raison nous demande d’obéir inconditionnellement à la loi morale, même si cela doit être au prix de notre vie.
La loi est la ratio cognoscendi d’une liberté qui est sa ratio essendi.
Слайд 7CRITIQUE DE LA RAISON PRATIQUE, PRÉFACE
« Pour qu’on n’aille pas
croire rencontrer ici des inconséquences, si je dis maintenant que
la liberté est la condition de la loi morale et si j’affirme ensuite dans le traité que la loi morale est la condition sous laquelle seulement nous accédons à la conscience de la liberté, je veux simplement rappeler que la liberté est, sans doute, la ratio essendi de la loi morale, mais que la loi morale est la ratio cognoscendi de la liberté. Car si la loi morale n’était pas d’abord distinctement pensée dans notre raison, nous ne nous tiendrions jamais pour autorisés à admettre une chose telle que la liberté (même si celle-ci n’implique pas contradiction). Mais s’il n’y avait pas de liberté, alors la loi morale ne pourrait pas du tout être rencontrée en nous.» (5, note)
Слайд 8Autonomie/hétéronomie
L’homme n’est donc pas un être seulement instinctif : il
a une dignité parce qu’il est libre. Ce n’est pas
seulement un être sensible mais d’abord un être raisonnable.
Il n’est pas entièrement déterminé par la nature, car il est capable d’obéir à une loi qu’il s’est lui-même prescrite au moyen de sa raison.
En ce sens, il est « autonome » (de auto, « soi-même », et nomos, « loi », « règle ») et non pas « hétéronome » (de hétéro, « autre »), c’est-à-dire dépendant d’un principe extérieur qui lui dicterait sa conduite.
Слайд 9La raison pratique
La raison n’est pas seulement une faculté de
connaître, mais d’abord une faculté de s’orienter dans l’action, le
principe à partir duquel on agit moralement.
Ce qui est premier pas le bien ou le mal, mais la loi morale est première. Nous ne connaissons pas la loi, elle n’est pas un principe que nous appliquons à un donné. Bien et mal sont le résultat d’un jugement, celui de la raison pratique.
La loi morale atteste de la possibilité de s’abstraire de tout mobile sensible, celui qui refuse même sous la torture de donner le nom de ses complices manifeste son indépendance à l‘endroit du sensible. Nous ne sommes pas libre pace que nous pouvons nous sacrifier, nous sommes libres parce que nous sommes autonomes : en mesure de n’obéir qu’à la loi morale et à rien d’autre au prix parfois de notre vie.
Слайд 10Kant ne défend pas une morale de l’héroïsme, mais une
morale quotidienne.
En règle générale, nous ne sommes pas placés
devant cette alternative, mais la possibilité même entendue métaphoriquement de mourir à un désir, dès lors qu’il entre en contradiction avec la loi morale, cette possibilité atteste de notre liberté.
Слайд 11AUTONOMIE CONCEPT CRITIQUE
L’autonomie est donc d’abord un concept critique :
il nous permet de distinguer les lois qui viennent de
la religion, de la société, de l’État et une loi qui vient de la raison et qui est universelle en ce sens.
La loi morale n’a pas de contenu : elle ne se réduit pas à des prescriptions matérielles. C’est la forme de l’universalité : l’instance qui permet de répondre : ce que je m’apprête à faire est ce universalisable.
Mon intention peut-elle être universalisable ? Qu’adviendrait-il si tout autre que moi adoptait cette conduite?
Слайд 12Figure du mal : figure de l’exception à la loi
Si
j’universalise ma maxime X ou Y (déf. règle d’action subjective
que je me propose), le monde resterait-il vivable ? Le mensonge aurait /garderait-il encore un sens? Le menteur ne pourrait universaliser sa maxime, en faire une loi, il se contredirait lui-même. La « loi du mensonge » est littéralement immonde. nous savons d’un savoir moral que le mensonge est immoral, celui qui ment s’excepte d’une loi que par ailleurs il reconnaît.
Celui qui s’excepte du bien ne peut le faire qu’en dupant les autres et surtout en se dupant lui-même. Lorsque je m’autorise un petit mensonge, je m’excepte de la loi pour mon propre bénéfice : faire le mal.
Слайд 13Justification vs réalisation
Kant envisage donc bien l’acte du vouloir à
travers le prisme de sa justification, plutôt que de sa
réalisation. Il ne l’envisage pas comme acte se réalisant, mais comme jugement pratique (« que dois-je faire? »).
(J’emprunte ces caractérisations à Bernard Bourgeois)
La perspective choisie est bien celle de l’intention, de l’amont de l’action, plutôt que que sa réalisation, son inscription dans le monde ou son effectivité.
Слайд 14HEGEL, l’inscription mondaine de la volonté individuelle
Hegel accorde à Kant
que l’action procède toujours d’une « volonté individuelle ». Leçons sur l’esthétique,
III, p. 336. Il n’y a de volonté réelle qu’individuelle.
Toutefois l’individualité qui confère à l’action l’identité à soi du vouloir où elle se maîtrise formellement ne peut se développer et s’accomplir comme individualité réellement agissante qu’autant qu’elle mobilise en sa faveur le processus du contenu mondain total dans lequel elle s’inscrit.
Слайд 15Le grand homme
D’où la « cime » de l’action pour Hegel =
celle des grands individus, des grands hommes de l’histoire mondiale
qui n’est telle que par la réunion de l’universel et de ce qui est singulier.
L’action à comprendre comme singularisation de l’universel ou universalisation de la singularité, elle s’accomplit à travers la négation d’elle-même et elle implique nécessairement une aliénation intérieure de l’agent. L’individu doit identifier la puissance générale de son soi à la détermination projetée d’une nouvelle organisation de l’univers.
Слайд 16Le grand homme et ses passions
Pour approfondir ce point, voir
l’article en ligne de Gilles Marmasse: http://www.implications-philosophiques.org/semaines-thematiques/actualite-de-hegel/le-grand-homme-et-ses-passions/
Je reprends dans ce
qui suit les grandes lignes des analyses de Gilles Marmasse.
Le grand homme est celui qui inaugure une nouvelle période de l’histoire en fondant l’État (Romulus pour Rome) ou en le refondant (Solon ou César). Il est essentiellement novateur. C’est en raison de cette force d’innovation que son activité est violente et contrevient à l’ordre étatique actuel. Hegel soutient que César est dans son bon droit, car les vieux républicains défendent des institutions qui conduisent inéluctablement à la guerre civile et au démembrement de l’État alors que le projet de César est unificateur.
Слайд 17Le grand homme
Le grand homme agit (et doit agir) éthique,
même si le principe de son action n’est pas déductible
du régime historique tel qu’il est donné puisque au contraire son action entraîne la suppression et le dépassement (Aufhebung) du régime antérieur.
Le grand homme fait donc advenir un principe qui n’est pas encore institutionnalisé, qui n’existe originairement qu’en soi : « il est déjà présent dans l’universel précédent, mais n’est pas encore parvenu à la validité » (Leçons de 1822-23 sur la philosophie de l’histoire, p.69-70).
Le rôle du grand homme est de vouloir ce que le peuple ne veut que de manière irréfléchie et impuissante. César cherchant à s’imposer comme maître de Rome ne fait alors que concrétiser pour son avantage propre le vouloir général de ses concitoyens.
Слайд 18HEGEL, LA RAISON DANS L’HISTOIRE, P.123
« L’esprit en marche vers une
nouvelle forme est l’âme intérieure de tous les individus, il
est leur intériorité inconsciente, que les grands hommes portent à la conscience. »
Hegel ne cesse de souligner leur lucidité :
« Les hommes appartenant à l’histoire mondiale sont les plus perspicaces dans leur monde. Ils comprennent mieux ce qu’il s’agit de faire » (Leçons de 1822-23 sur la philosophie de l’histoire), p.449.
Leur savoir est pratique et non théorique. Le grand homme sait ce qu’il y a à faire ici et maintenant, mais il ne peut inscrire ce savoir dans une connaissance systématique de l’histoire.
Слайд 19La génialité ambivalente du grand homme
Son savoir est proche de
celui de l’artiste génial a sens où ce dernier dispose
d’une capacité naturelle à représenter extérieurement ce qu’il ressent. Le grand homme à l’instar de l’artiste est incapable de mettre son action en perspective. Le grand homme a à la fois « la supériorité du génie et n’est qu’un homme naïf, simple.
L’adéquation entre le grand homme et son peuple explique son pouvoir intégrateur : « tous se rassemblent autour des bannières de ces héros, car celles-ci expriment ce que le temps exige. » (Leçons sur la philosophie de l’histoire 1822-23, p.164)
La grandeur de cet homme, de l’acteur historique ne peut être séparée de son agir concret : Hegel fait preuve d’ironie à l’égard des discours qui exaltent tel ou tel individu qui avait une dimension historique mais auquel les circonstances n’ont pas donné l’opportunité de la mettre en valeur.
Слайд 20Action et intérêt
On ne devient un grand homme que dans
un agir qui, de fait, change l’histoire :
« Les lauriers
de la pure volonté sont des feuilles desséchées qui n’ont jamais verdi », Principes de la philosophie du droit, §124, add).
Pourtant l’agir du grand homme n’est pas désintéressé :
« Il n’arrive rien, rien n’est accompli, sans que les individus qui agissent en la matière ne se satisfassent aussi. » (Leçons sur la philosophie de l’histoire, 1830-1831), p.69.
La volonté du grand homme ne répond pas à un idéal général. Le grand homme agit de manière à réaliser ses fins propres. L’ordre éthique (familial, social, étatique, ne s’oppose pas à l’intérêt individuel, mais à l’opposé, lui permet de s’accomplir. Le grand homme, alors qu’il n’agit pas pour le bien du peuple, mais pour son bien, réalise ce à quoi son peuple aspire. Le grand homme incarne au cœur même de son égoïsme, le vouloir de son peuple.
Слайд 21Ruse de la raison
C’est ce que Hegel nomme « ruse de
la raison » : le vouloir du peuple ne s’exprime pas
dans une conscience collective, mais des individus chez lesquels il se particularise de manière à chaque fois égoïste. Il est ainsi le représentant de la volonté universelle du peuple et assure le progrès de l’histoire.
Même si dans l’histoire la raison n’est encore que rusée, et non entièrement développée, elle s’y manifeste de façon incontestable, puisque le peuple, étant gouverné par le grand homme, est gouverné par rapport à son esprit propre.
Pas un moyen pour la raison de manipuler le grand homme. La rationalité de l’histoire signifie que l’esprit se gouverne lui-même.
Слайд 22passion
La passion joue ici un rôle essentiel : elle renvoie
pour Hegel aux fins des intérêts particuliers. Mais Hegel fait
de la passion non pas un élément de passivité, mais l’énergie du vouloir.
« Je dirais donc passion en entendant par là la détermination du caractère dans la mesure où ces déterminations n’ont pas un contenu purement privé, mais constitue l’élément moteur qui met en branle (das Wirkende) des actions universelles » (Raison dans l’histoire, p.108)
Le vouloir passionné du héros n’est pas ce qui le rend tributaire des événements, mais tout au contraire, ce par quoi il parvient à les maîtriser et à les plier à ses propres fins. C’est parce qu’il est passionné que le grand homme n’en reste pas aux simples idéaux, mais agit concrètement et efficacement.
La passion inclut pour Hegel l’idée d’unicité : l’homme passionné poursuit une seule fin et ne se disperse pas en une multiplicité de buts : « En fait les grands hommes ont été des passionnés, cad ils ont eu la passion de leur fin et leur ont consacré tout leur caractère, leur génie et leur naturel » (Hegel, La raison dans l’histoire, p.125).
Слайд 23Les grands hommes
Les héros sont véritablement grands et ils changent
l’histoire non pas en raison de circonstances contingentes mais en
raison d’un vouloir spécifique.
Mais d’autre part, contre toute vision purement héroïque de l’histoire, Hegel montre qu’aucun grand homme n’est véritablement à la hauteur de son peuple. La passion est un moment indispensable de l’action historique, mais elle reste un commencement et subordonnée à la raison.
Que le grand homme soit passionné n’implique pas qu’il est impulsif : c’est un tacticien qui délibère et agit en connaissance de cause. Il est responsable de ses actes.
Слайд 24Action et interactions
En outre, l’action la plus individuelle ne peut
exister que dans et par le milieu éthique de l’interaction
des individus. L’affirmation de l’individualité et de l’universel se répartit entre les individus singuliers rassemblant leur interaction dans une individualité collective qui confère à cette interaction l’unité maîtrisée essentielle à toute action.
« L’agir est lui-même cette scission consistant à se poser pour soi-même et à poser face à ce pour-soi une effectivité extérieure étrangère ; qu’il y ait une telle effectivité, cela relève de l’agir lui-même ». (Phénoménologie de l’esprit, tr. JPL, p.318)
Слайд 25Actions et interactions
Hegel rompt avec une pensée métaphysique de l’action
pour laquelle l’acte et la signification de l’acte n’étaient évaluables
qu’en référence à un sujet qui est censé en être l’auteur, l’agent et le responsable (la formule de Leibniz : actiones sunt suppositorum, les actions ont des sujets ou des suppôts.
Pour Hegel, l’action est bien l’expression extérieure de la volonté en tant que subjective ou morale, mais elle n’est pas l’effet de la subjectivité ou de certains de ses états (en particulier par l’effet de ses intentions) mais un processus qui constitue la subjectivité dans son interaction normative avec d’autres sujets sociaux.
Слайд 26Ce qu’est le sujet, c’est la série de ses actions
PPD §124
: « Ce qu’est le sujet, c’est la série de ses
actions ».
Pas à comprendre de manière réductionniste (surtout pas!). Contre une conception de la subjectivité qui serait l’arrière-plan ontologique et le foyer de sens des actes qui lui sont attribuables. L’intériorité est intégralement investie dans l’extériorité de l’acte, elle-même tributaire d’un contexte social d’interaction et de paramètres normatifs dotés d’une objectivité qui n’est pas illusoire. Les actions saisies dans leur consécution ordonnée (série) sont à comprendre comme l’être manifeste (la matière phénoménale) d’une entité qui n’est saisissable qu’à partir d’elles. Le sujet n’est rien d’autre que le principe de cohérence émergent d’une série d’événements qui obéissent à des raison. Hegel estime que l’évaluation morale de la subjectivité passe par celle de ses traces existantes, les actions.
« [les actions du sujet] sont-elles une série de productions sans valeur, la subjectivité du vouloir est elle aussi sans valeur ; la série [des] actes [du sujet] est-elle au contraire de nature substantielle, la volonté interne de l’individu l’est aussi ». PPD, §124.
Слайд 27Principes de la philosophie du droit, §124 addendum
Add. Important
« In
magnis voluisse sat est » Properce, II, X, 6. Le sens
véritable de cette maxime est que si l’on doit vouloir accomplir de grandes choses, il faut pouvoir les accomplir. Autrement, ce n’est qu’un vouloir équivalent à rien. Les lauriers de la pure volonté sont des feuilles desséchées qui n’ont jamais connu la fraîcheur ».
Слайд 28Pourquoi la « série » des actions?
« Seule la « série » de celles-ci
comme une pluralité en laquelle le même sujet, une même
volonté subjective, se maintient, indique la valeur de celui-ci — et elle la donne absolument, sans que, en dehors de ce qui a été effectivement fait puissent être avancées des belles intentions ou autres intériorités non accomplies et non effectuées.
Слайд 29La série de ses actions
Ou encore, ce n’est que dans
le « decursus vitae » complet (decursus : action de parcourir jusqu’au
bout) qu’un homme fait pleinement connaître ce qu’il est, la teneur de son vouloir, sa valeur propre. La force consiste encore à pouvoir s’y reconnaître absolument, à ne voir dans sa vie, dans la série de ses actions, que ce que l’on est et tout ce que l’on est : à savoir ce que l’on a fait comme ce que l’on a voulu, sans que la contingence des circonstances puisse être avancée pour amoindrir le caractère dépourvu de valeur de ce que l’on a fait et s’en dégager comme sien (ni, d’ailleurs, à l’inverse, pour dévaloriser les grandes actions de l’histoire), puisque celles-ci ne sont jamais que ce que l’on en assume et que la force et la fermeté du vouloir se manifeste précisément, pour le sujet fini aussi, en se faisant valoir dans cet autre qu’il ne produit pas mais qu’il doit pouvoir faire sien — tel est bien le sens de la liberté.
Слайд 30Conclusion de cette seconde étape
Nous sommes passés de la
volonté bonne kantienne à l’effectivité de l’agir, où l’agir désigne
à la fois l’advenir de l’esprit en tant que conscience et où cette advenir ne se réalise lui-même que par ce que la conscience fait être et accomplit.
Pour Hegel, la volonté n’est rien si elle n’est pas arrimée à un pouvoir de réalisation de ce que l’on veut.
L’effectivité de l’action n’est toutefois pas séparable d’une compréhension téléologique de l’agir.
Слайд 31III. Agir comme déploiement
Pour penser l’effectivité dans ses derniers retranchements,
ne faut-il pas à la fois délier :
agir et téléologie
voir dans l’agir un déploiement plutôt qu’une négation de la nature ?
et articuler d’une manière sensiblement différente la liberté à l’altérité de ce que j’affronte ?
Слайд 32Spinoza- APPENDICE DE LA PREMIÈRE PARTIE DE L’ÉTHIQUE
Appendice du De
Deo: « Les hommes supposent communément que toutes les choses naturelles comme
eux-mêmes agissent en vue d’une fin ; davantage encore, ils affirment que Dieu même dirige toute choses vers une certaine fin ».
Ici Spinoza emploie « agir » à contre emploi. Pour faire comprendre que ce que les hommes prennent pour une action véritable poursuivie en vertu de principes qui lui sont propres ne se présente que dans leur imagination et ne correspond à rien dans la réalité.
Слайд 33Éthique - spinoza
Car c’est lorsque les hommes croient agir par
eux-mêmes et pour eux-mêmes qu’ils sont sans s’en rendre compte
et précisément parce qu’ils ne le savent pas les plus soumis aux lois générales du déterminisme, cad que leurs entreprises sont davantage que des actions subordonnées à des conditions extérieures sur lesquelles ils n’ont pas de prise. Spinoza cherche avant tout à exprimer la confusion des idées que les hommes forment sur ce qu’ils sont, alors qu’ils ne savent pas ce qu’ils font, ni comment ils le font.
De Deo, Ethique, I, 3. Prendre l’action divine pour une opération, c’est croire qu’elle tend comme les prétendues actions des hommes vers un but qu’elle pose idéalement en dehors et au delà de son propre accomplissement, et qui la conditionnerait en quelque sorte de l’extérieur.
L’opération se distingue ici de l’action parce qu’elle se situe en extériorité.
Слайд 34ÉTHIQUE - spinoza
Pour Spinoza, il n’y a pas d’opération pure
qui se déroule d’une manière complètement indépendante des conditions qui
sont celles de l’action ; dans toute opération en tant que celle-ci a son siège dans les choses particulières finies il y a non en puissance mais à la lettre en acte une action dont le principe se trouve lui-même positivement en Dieu et qui constitue à l’égard de cette opération sa cause efficiente.
Слайд 35Opération et action
Ainsi la différence entre action et opération est-elle
une différence de point de vue : ce qui est opération
à l’égard des choses finies qui constituent son domaine d’effectuation est rapporté à Dieu qui en est la cause, action. L’opération n’est pas à côté de l’action, comme une manière de faire ou de procéder autonome, elle est dans l’action et de l’action, comme l’un de ses aspects. Les choses particulières n’opèrent pas par elles-mêmes parce qu’elles sont déterminées à le faire par une cause qui agit en elles.
Слайд 36Opération et ordre en extériorité
L’opération est ce qui n’a pas
sa raison en soi-même, parce que sa véritable cause est
toujours en Dieu.
C’est seulement si on la détache imaginairement de sa cause que l’opération se déploie dans un ordre en extériorité où les choses se limitent les unes les autres et s’ensuivent les unes des autres dans la durée.
Слайд 37Nature naturante /nature naturée
L’action divine de la Nature naturante se
développe à travers l’ensemble des opérations qui constitue le système
de la nature naturée comme une cause produit nécessairement tous les effets qu’elle porte en elle.
En ce sens, produire des effets pour une cause quelle qu’elle soit, c’est agir. Cad exprimer positivement sa puissance non d’une manière arbitraire mais suivant les conditions qui déterminent nécessairement sa nature.
Or ces conditions en ce qui concerne les choses particulières sont déterminées par autre chose, en ce sens qu’elles ont leur principe en Dieu en tant que celui-ci est la cause véritable de toute action. Agir dans la mesure où cela dépend de Dieu seul et n’a sa cause nulle part ailleurs qu’en lui c’est ce qui s’effectue par autre chose sans que cet autre intervienne par contrainte.
Слайд 38Action et opération
Cf. P. Macherey, Avec Spinoza, Action et opération :
sur la signification éthique du De Deo, p.69 sq
« Cette chose
est dite libre qui existe par la seule nécessité de sa nature et se détermine par soi seule à agir (ad agendum) ; nécessaire au contraire ou plutôt forcée/contrainte (coacta) celle qu’autre chose détermine à exister et à opérer (ad existendum et operandum) de façon précise et déterminée». (Spinoza, Éthique, De Deo Définition 7)
Слайд 39Causalité
Si l’on reste pour l’instant dans le cadre du
De Deo = la chose libre qui ne dépend de
rien d’autre, c’est la substance. Une chose libre est celle qui existe par la seule nécessité de sa nature et non par autre chose. La liberté n’est donc pas ce qui constitue l’être d’une chose selon l’alternative être en soi /être en autre chose, mais ce qui détermine son existence en tant que celle-ci dépend de soi ou d’autre chose.
Si un mode dépend aussi de la substance comme de sa cause, c’est que celle-ci agit en lui, au titre d’une cause qui n’est pas externe mais interne. Ainsi être mode, c’est être dans autre chose, mais non pas exister par autre chose cad sous la contrainte d’une détermination étrangère ; c’est à partir de cette distinction que Spinoza élabore un nouveau concept de causalité, concept d’après lequel la cause au lieu de se soumettre à au modèle de la causalité mécanique s’effectuant et circulant en qq sorte entre les choses agit en elles.
Слайд 40La liberté dont la définition est donnée en 7 n’est
pas exclusivement le fait de la substance divine en tant
que celle-ci est cause libre, mais elle appartient à toute chose pour autant que son existence soit rapportée à la nécessité de sa propre nature ou à sa seule force.
La même existence est exposée à l’alternative d’être complètement déterminée de l’intérieur d’elle-même par la cause qui agit en elle et d’être déterminée aussi par l’intervention d’une autre cause dont on ne peut pas dire qu’elle agit sur elle et à propos de laquelle il vaut mieux utiliser un autre terme, celui d’opérer : être contraint, c’est être exposé au mécanisme d’une opération qui est extérieure par définition.
Слайд 41Action et opération
agir exprime l’idée d’une action absolue qui a
son principe et sa fin en soi-même indépendamment de tout
rapport à des objets extérieurs.
Opérer renvoie au contraire à une production supposant le rapport à des objets à l’intérieur d’un système de détermination proprement technique ou mécanique qui n’a pas de signification en soi.
Une chose libre agit en vertu d’une cause interne et une chose contrainte opère en vertu de causes externes dont la raison est apparemment indépendante de sa propre nature.
Слайд 42Agir divin
Dans le De Deo, Proposition 17 : « Dieu
agit par les seules lois de sa nature et forcé
par personne. »
L’action divine est libre non parce qu’elle serait sans cause, en vertu d’une toute puissance illimitée échappant à une détermination nécessaire, mais parce qu’elle a sa cause en Dieu même dans la perfection de sa propre nature cad dans l’ensemble des lois qui constituent son ordre sans qu’aucune autre cause, extrinsèque ou intrinsèque puisse agir sur cette action. Dieu n’agit ni en vue de fins extérieure ni en vertu d’un bon vouloir ou d’un libre décret.
Слайд 43Lettre à schuller
« Pour ma part je dis que cette chose
est libre qui existe et agit par la seule nécessité
de sa nature ; est contrainte au contraire celle qui est déterminée à exister et à opérer selon une certaine raison déterminée. Par exemple, Dieu, bien que ce soit nécessairement existe pourtant librement parce qu’il existe par la seule nécessité de sa nature. C’est ainsi que Dieu librement se comprend ainsi que toutes choses absolument parce qu’il s’ensuit de la seule nécessité de sa propre nature qu’il comprenne tout. Tu le vois donc, je fais consister la liberté non dans un libre décret, mais dans la libre nécessité. Etre libre comme Dieu l’est par excellence puisqu’il ne peut qu’être libre, c’est avoir complètement assimilé et intégré les lois de l’ordre rationnel de manière à agir complètement en soi-même au lieu d’opérer au dehors sous une loi étrangère. » Lettre 58 à Schuller
Слайд 44Les limites de l’action
Dieu seul est cause libre. On comprend
bien que les caractères de la causalité interne soient attribués
à Dieu et à son action, puisque cette dernière s’effectue en totalité à partir du principe qui constitue son être.
Or, si Dieu est le seul à pouvoir agir, l’éthique n’aurait plus d’objet, celui-ci ayant été complètement absorbé dans l’ordre de la nécessité qui détermine la nature divine hors duquel il ne semble plus y avoir de place pour une action libre.
Слайд 45Agir librement, c’est agir en dieu
Il faut bien plutôt comprendre
qu’agir librement pour qui que ce soit ce sera toujours
agir en Dieu cad en revenant aux principes nécessaires qui déterminent son être et en écartant toutes les déterminations supplémentaires qui pourraient altérer le jeu de la libre nécessité telle que celle-ci s’effectue à partir de la cause libre.
D’où Proposition 34 : la puissance de Dieu par laquelle lui-même et toutes les choses sont et agissent est l’essence de Dieu même. Tout ce qui est en Dieu avec lui aussi agit.
Слайд 46Du de deo aU DE MENTE
Ethique, De mente: concept comme
action de l’âme / Si l’âme forme des idées c’est
parce que la nature divine la détermine sous les deux aspects qui viennent d’être caractérisés absolument et relativement l’âme est active à l’égard des idées qui se forment en elles.
Cela ne signifie pas qu’elle les a formées au sens d’une fabrication ou d’une production indépendante, mais l’action de l’âme à travers laquelle s’exprime la puissance divine pour autant qu’elle estdéterminée à agir d’une certain manière est une action qui s’effectue dans l’âme en vertu d’un acte nécessaire de pensée dont elle est le siège et qui produit en elle ses idées ; cela ne signifie pas non plus qu’elle assiste à cette production comme un témoin passif puisqu’elle n’a d’autre identité que celle que lui confère cet acte dont rien ne la distingue et par l’intermédiaire duquel elle accomplit en acte tout ce qui définit sa nature, de manière à ce que sa réalité coïncide avec sa perfection.
Слайд 47DE LA RÉFORME/AMENDEMENT DE L’ENTENDEMENT
De intellectus emendatione : parler de l’action
de l’âme, c’est donc concevoir l’âme comme agissant selon certaines
lois (secundum certas leges agentem) et à la manière d’un automate spirituel.
L’action de l’âme est réglée par les lois qui conditionnent sa propre nature comme partie de la nature à l’intérieur de l’ordre commun des choses qui ne la nécessite pas seulement comme telle ou telle action mais la constitue comme une action au sens propre du terme : cad qu’il l’insère dans le mouvementglobal de l’action divine dont cette action exprime à sa manière selon son mode la puissance infinie. Proposition 33 entre cette action et ces opérations, il n’y a pas de place pour un écart dans lequel joueraient pour Dieu comme pour les choses l’indifférence et la contingence. Action et opération s’inscrivent donc dans un même ordre de nécessité.
Слайд 48Agir ET LIBERTÉ
Agir pour une chose quelle qu’elle soit cad
être libre, ce n’est donc en aucune façon échapper à
l’ordre commun des choses, qui est unique en raison de sa perfection intrinsèque : une même chose est libre selon la loi de sa propre action ou contrainte suivant la chose extérieure des opérations dans laquelle elle est prise selon qu’on la considère d’un point de vue global ou partiel.
Se libérer, ce n’est donc pas échapper au système de détermination qui relie nécessairement entre eux causes et effets mais rentrer dans ce système pour l’approfondir de manière à en saisir et en assimiler la nécessité immanente.
Слайд 49Agir (fin)!
Agir c’est donc être libre en ce sens que
ce n’est pas se soumettre à la contrainte d’un ordre
extérieur, puisque c’est suivre au contraire la détermination intérieure qui définit la vertu par laquelle ceux qui la pratiquent participent de la nature divine cad que ceux-ci s’intègrent à la puissance globale de cette nature de manière à effectuer eux-mêmes tout ce qu’il est en eux de produire comme effets selon un maximum de puissance qui ne doit pas s’entendre au sens d’une limite extérieure mais en celui d’une affirmation immanente ; et cette dernière parce qu’elle se rapporte au principe qui constitue sa raison se suffit complètement à elle-même.